Cette réunion de la Jeune Pousse … pour rien au monde je ne l’aurais ratée…
Et pourtant … j’étais dans mon basque pays, à me délecter à la chambre d’amour des derniers rayons de soleil, à me promener entre mer et Jaiskibel.
Non … je voulais voir la tête qu’ils avaient ces galopins qui se permettaient, d’un revers de la main, d’effacer les années de réflexion, d’analyse et de construction d’une utopie… qui, sans vergogne, faisaient disparaître de la planète cette enseigne : la Jeune Pousse… que nous avions, interview par interview, article de journal par article de journal, Réunion publique par présentation du film, tenue de stand par distribution de flyers… inventée, chouchoutée , ciselée.
Ce nom, la Jeune Pousse, quel soin nous en avons pris … nous l’avons porté avec fierté sur les fonds baptismaux de la mairie, nous l’avons présenté, nous l’avons fait connaître, nous lui avons donné des lettres de noblesse, du corps, du goût…
Nous l’avons hurlé ce nom … À toutes les réunions publiques de quartier, de secteur, tout ce que la mairie inventait … Nous … On s’y collait.
Et des mardis de l’architecture … on en a bouffé des mardis de l’architecture.
Parce que … qu’est-ce que vous imaginez bande de morpions, que d’un coup de baguette magique, on est passé du huitième cercle à invité principal…Il a fallu s’en gaver des mardis…À écouter les organisateurs cirer les pompes des décideurs, les vieux architectes raconter la guerre de 14 … et les jeunes ne pas être entendus…
Et Laure … Pour qu’elle accepte de passer dans le journal, ELLE, il a fallu en user de la salive…la convaincre que c’était bon pour l’image de la jeune pousse …
Et Thomas … vous croyez qu’il y est allé volontiers faire le gugusse en invité principal chez Gruet. Et moi-même … spécialiste des sorties de lieux publiques ou je chopais le Cohen qui m’accueillait avec un « encore vous » pendant que je lui vendais la jeune pousse…
Alors raté la réunion pendant laquelle on allait couper le cou … à la jeune pousse … alors là pour rien au monde …
Visage clos, front baissé et lèvres aux commissures irrémédiablement attirées vers le sol , je pousse la porte de la maison d’à côté …
Mais que je l’aime cette maison d’à côté … que de moments magiques on y a passé…
J’en ai partagé des délicieuses heures avec le Jean Ba à échanger sur la relation jeunes vieux, et de ces longues et structurantes conversations je garde là, très près de moi, trésor vivant, leçon de vie … sa question :
« Tu penses logique que, dans 10 ans je m’occupe de toi, alors que je ne le ferai pas pour mes parents qui habitent trop loin ? »
« Oui Jean Ba, c’est logique et moins douloureux pour tous, car , tes parents la bas, chez eux, ils auront un Jean Ba qui s’occupera d’eux comme tu le feras pour moi, moi…je ne verrai pas dans ton regard la tristesse qui aurait embrumé les yeux de mes enfants, comme toi, tu ne sentiras pas en me visitant le désarroi qui ternirait le visage de tes parents … »
Et la Laure, avec quelle dextérité, en fin de soirée , elle vous reprenait toutes les idées émises en vrac, en bazar, elle mélangeait tout ça et vous en faisait un beau concept, bien clair, bien rangé.
Et cette petite berceuse serbe, chanson miraculeuse, susurrée à l’oreille fatiguée d’un Titouan épuisé mais énervé par trop de jeux, combien en a-t-elle endormi, soigné consolé, guéri…
Et le duo Ève-Anne/Thomas, les magiciens de la comm’jur, comment ils vous prenaient une notion bien ardue, bien absconse, et, en deux temps, trois mouvements, ils vous la rendait claire, compréhensible … et en prime, ils vous faisaient croire que vous étiez intelligents…les mignons.
On y croyait à cette jeune pousse … elle donnait à voir notre avenir, la douceur de nos relations, la justesse de nos choix,le plaisir d’être ensemble..
Et voilà que, dans cette maison se sont installés d’autres voisins. d’autres jeunes, de belles vieilles …
En tous cas, des têtes inconnues … qui ont pris nos places….si, si…la vieille c’était moi…et mes voisins c’étaient les Vero, Francesca, Laure, Ève Anne, Thomas, Gilles, Ludo, Olympe …
Au fond du jardin de la maison d’à coté se sont regroupés les anciens,les bâtisseurs.
Oh … quel délice, se lover dans leurs bras, se les câliner, se les écouter, se les regarder, se les avoir à portée de caresse, les retrouver …les aimer et le leur dire….
Et puis, mine de rien, du fond du jardin observer :
« Françoise, toi qui connais tout le monde … t’en pense quoi des nouveaux ? »
Je l’écoute mon amie Françoise … et je me dis … elle est trop gentille … elle dira pas de mal…
Mais au fait … de quoi je me plains ?
On s’installe à l’intérieur … c’est l’heure du champagne….
Chuin chuin et ronchon, entre Blandine et son homme, pas loin de Inga…au chaud de leur amitié , Je me laisse aller… Et… peu à peu je me détends …
Ça commence … discours humoristique … et moi, mauvaise tête, au fond de moi-même je me dis « Ah … c’est de la sous jeune pousse… »
Oh…la vieille bique… c’est pas vrai…c’est drôle….et les « nouveaux’ …comme voisins… sont plutôt rigolos…
Et puis…il chantent … à oui, il y a même des musiciens…pas mal du tout.
Ce petit bébé qui roncaille … on va tester la berceuse…on va voir si c’est un vrai jeune poussien…..
bah oui… ça marche… il est adorable ce petit… et ses parents… bah ma foi très sympathiques…
Et l’autre là-bas… la mignonne qui parle d’aviron et de faire de la gym… c’est qu’elle ne se laisserait pas faire… c’est pas à elle que la nouvelle équipe municipale va faire avaler l’intérêt d’un parking de voiture sous son appartement… !
Mais alors …
Sont touchants tous ces gamins … et les âgés aussi sont intéressants… ils ont repris les idées là où on les leur avait laissées … et bien tant mieux…
J’aurais dit quoi si elles avaient disparu ces belles idées…,
Et puis cette Jeune Pousse, ils ont su où la planter, ou l’aider à déployer au mieux ses racines, il ont su la marcotter, la tailler au bon endroit, au bon moment.
Tout compte fait … sont passionnants ces abricoopiens…tiens… à l’occasion… si je vois passer un mail annonçant une maison d’à côté… je viendrai taper l’incruste… et je leur dirai combien sincèrement …je les remercie de continuer à faire vivre une idée si belle ….
Bernadette Popov
Octobre 2014