Les balades architecturales

Les balades architecturales

Par Françoise

L’idée de faire des balades dans la ville en train de se transformer, m’est venue en pensant à ce nouveau « quartier » de la Cartoucherie, difficile à imaginer et qui va être en chantier pendant une période assez longue, même après l’installation d’Abricoop.

Les-Cités-Obscures-3Il y avait aussi les échanges que nous avions dans certaines commissions, au sujet de l’architecture du bâtiment, nos références n’étaient pas toujours les mêmes, et pour que ces discussions ne restent pas stériles, il me semblait important que nous puissions nous repérer à partir d’exemples vus ensemble.
J’avais apporté des revues d’architecture et d’urbanisme, mais n’était-il pas préférable de voir les bâtiments in situ, dans leurs rapports les uns aux autres et à l’espace public, pour comparer et apprécier ensemble tel ou tel agencement, tel ou tel aménagement, tel ou tel détail… J’aime me promener dans les villes, et pas seulement dans les centres historiques ; des associations comme « la Gargouille », qui proposent des visites dans les « quartiers », m’ont permis de mieux connaître Toulouse « hors les murs » et j’aime à mon tour faire partager mes découvertes.

Fabrice et François m’ont encouragée à mettre ce projet en forme…

Nous avons commencé par une belle journée de juillet, en nous donnant rendez-vous aux Arènes pour prendre le tram ; les transports en commun sont un excellent moyen pour découvrir des secteurs de la ville que nous ne connaissons pas, et dans ce cas nous allions au bout du monde, en bout de ligne, à proximité des grands hangars d’Airbus. La visite des différentes strates d’urbanisation de Blagnac aurait pu occuper la journée, mais nous allions dans la Zac en cours de réalisation. Quelques jours avant, une jeune amie architecte qui vient de s’y installer avec sa famille m’avait initiée à son nouveau quartier, je me sentais presque familière des lieux.

Img 13_Cites_obscures_3De 4 à 74 ans, dans la poussette ou sur deux pieds, vaillamment nous avons arpenté les rues et les espaces intérieurs d’ensembles résidentiels très différents les uns des autres, mais inscrits dans un plan d’ensemble que nous avions pu découvrir en maquette dans l’espace aménagé par Oppidea. Après un déjeuner pris sur place, quelques courageux ont voulu poursuivre la visite bien qu’il fasse très chaud et nous sommes allés plus au nord, là où le quartier est encore en chantier.
Je ne crois pas utile d’en dire plus sur cette visite, mais déjà nos conversations prenaient un tour moins abstrait, puisque nous nous référions à des choses vues ensemble.
Cet automne j’ai voulu proposer une nouvelle visite de cette même Zac, mais le jour était mal choisi, à moins que le nombre important de réunions de la Jeune Pousse en ait retenu certains de dégager une journée pour cette balade, nous étions moins nombreux et nous ne sommes resté que le matin, chacun ayant à faire…

Entre temps, nous étions allés à Borderouge, où habite Tess et où j’avais enquêté auprès d’habitants qui ont choisi de vivre dans des résidences fermées ; j’avais aussi analysé les espaces publics que des paysagistes bien intentionnés ont essayé de créer « après-coup », avec des sentiers réservés aux piétons et aux vélos, en lien avec un « parc » où se situe l’annexe du Muséum dont nous avons goûté l’ombrière en lattes de bois… L’immeuble de Tess n’étant pas encore totalement habité, nous nous sommes posé des questions sur les raisons de cette désaffection, tout en mangeant un fameux gâteau…Les-Cités-Obscures

J’ai eu aussi envie de faire découvrir un quartier plus ancien et assez méconnu, celui d’Empalot, qui est en pleine restructuration, avec de grandes « barres » en cours de démolition et des constructions nouvelles, moins hautes. A proximité, François nous a fait découvrir le tout nouveau jardin de l’ancienne caserne Niel dont il avait suivi le chantier ; un jardin situé à proximité de la maison des associations logée dans un des anciens bâtiments de la caserne.

Nous n’étions pas très nombreux, mais j’espère que chacun a pu apprécier les espaces plantés et certaines qualités d’espaces publics, dans une « cité » relativement proche du centre ville.

Les-Cités-Obscures-2Une autre visite « partagée » a été possible, à l’initiative d’une association d’urbanistes ; bien qu’il fasse froid, nous étions 4 ou 5 de la Jeune Pousse à nous y retrouver, pour apprécier les aménagements urbains de la Zac de Vidhaillan à Balma , notamment les jardins publics et un jardin intérieur commun à plusieurs résidences,dessiné pour devenir un jardin potager collectif. Ces visites faites en compagnie des professionnels apportent une autre vision des quartiers en formation, peut-être faudra-t-il les faire désormais avec l’équipe de maîtrise d’œuvre qui sauront mieux que je ne le fais donner des informations de « première main »…

Pour ma part, je vais continuer à proposer d’autres balades, dans le parc du Mirail par exemple, et peut-être que certains auront envie de parcourir les yeux en l’air certains quartiers du centre que nous ne prenons pas le temps de regarder, ou d’autres lieux que d’autres « jeune poussiens » voudront nous faire connaître, dans les communes de l’agglomération, du côté de Cugnaux par exemple !?

Françoise

Un apéro d’emménagement … original

Début Avril 2018

ça y est les tout premiers cartons sont posés.
Fraîchement arrivée, pas vraiment déménagée, l’appartement commence à se remplir : Tess me prête un évier, Geneviève son frigo, Chloé et Ludo des plaques, Guillaume un lit. Et je peux me doucher dans la chambre d’amis partagée ou chez les voisins en attendant que le trou dans la douche soit réparé …

Toute contente, je croise Cécile et lui propose un apéro. Ni une, ni deux, arrivent Michèle avec du Vouvray, Geneviève avec des chaises, Guillaume avec des graines à grignoter, Tess avec son kéfir. Jean nous rejoint.

On discute, on apprécie d’être ensemble. Mais Jean a l’air absent, son pied est bleu, énorme.

– Et le médecin , il en dit quoi  ?

– Ben j’ai rendez-vous dans 2 jours …

– Tu ne peux pas rester comme ça ! Allez vient on t’emmène aux urgences.

Et ni une ni deux, nous voilà, en voiture, à pied (Purpan est à 10 min à pied), en route pour les urgences. Jean est rapidement pris en charge, Guillaume part avec lui.  Nous attendons des nouvelles dans la salle d’attente, poursuivant notre apéro, traitant de nos sujets collectifs. Et heureux de ce dire que c’est bien d’être là, nombreux aux urgences. C’est une évidence, la coopérative, c’est ça, une solidarité des habitant·e·s au quotidien, dans les bons moments comme dans les moments plus difficiles.

Marion 

Rencontres inter-projets 23 septembre 2018

Les sociétaires toulousains d’Hab-Fab et Abricoop, première coopérative d’habitants en Occitanie,  ont accueillis plus de 50 participants lors d’une journée d’échange entre groupes et personnes intéressées par l’habitat participatif.

Les groupes présents

Et toujours pour découvrir les autres projets de la Région, les cartes d’HabFab

Des tables rondes autour du thème du partage ont ensuite été auto-animées par les participant.e.s. Merci à Cécile, Stefan, Gilles et tous.tes. les autres pour les comptes-rendus de ces riches échanges.

 

Partage des temps de vie : Repas, jardinage, fêtes, convivialité au menu

Les participants ont échangé autour de l’organisation de temps festifs et de leur ouverture à l’intérieur de l’habitat mais aussi à extérieure de celui-ci : voisinage, quartier. Ils se sont questionnés sur la question du partage de  tâches « ingrates » entre les différents participants de l’habitat (nettoyage parties communes, gestion de l’arrosage en cas d’absence…) ;

Les limites du partage : Et moi dans tout ça ? :

Champ apparu comme très vaste à parcourir.
Un questionnement important est apparu sur la création d’un cadre réglant le partage. Celui pouvant émaner de la charte présidant à l’habitat participatif mais devant avoir la possibilité d’être évolutif, dynamique et relié au fonctionnement de l’habitat.
Les champs du partage ont été aussi évoqués : les limites pouvant s’étendre et varier selon le champ concerné : partage des moments, des lieux, de l’espace, des prises de décisions…
Une limite exposée était celle de la sécurité et du rapport à un règlement intérieur permettant de cadrer cette dimension.
Un questionnement a été posé dans le rapport à l’extérieur : la dimension du partage varie-t-elle dans l’interaction avec l’extérieur (dans le rapport à la ville, au quartier, au voisinage…). Cette dimension est directement liée au cadre du projet général du projet.

 

 

Un ensemble de remarques a été exposé sur la question de la gestion du relationnel :

  • La question du temps et de l’espace de parole (dans l’idée de la place de chacun dans les instances gérant l’habitat et la place faîte à ces questions) ;
  • L’expression individuelle et l’usage du « Je » (dans l’idée de l’expression individuelle de ces besoins) ;
  • L’importance de l’expression des représentations individuelles des habitants sur la notion de partage (c’est à dire que soit exprimé ce que chacun met derrière cette notion et ces limites propres) ;
  • Des postures d’attention à l’autre, de bienveillances (« prendre soin des uns et des autres ») sont à favoriser ;
  • Une vigilance est à développer sur l’équilibre entre le collectif et l’individuel (que l’un ne prenne pas le pas sur l’autre et réciproquement) ;
  • La question de comment et où se former à la question de la gestion relationnelle.

Partage de services : Au printemps ça monte des placards, l’été ça arrose !

Les participants ont échangé autour des notions de confiance et règles.
Un ensemble de services a été cité comme propice à faire l’objet d’une mutualisation :

  • Achats groupés : aller chercher les paniers, aller acheter directement à la ferme et proposer aux voisins.
  • Gestion des absences : arrosage, gestion des animaux domestiques ;
  • Services de petit bricolage ;
  • Baby-sitting ;
  • Les enfants : les laisser à la surveillance des voisins, organiser un pédibus ou du covoiturage pour les déposer à l’école, à l’arrêt du car ou aux activités extrascolaires, etc.
  • Prestations groupées (par ex. coiffeur) ;
  • Réception des colis.

Certain.e.s participant.e.s  vivant déjà en collectif ont du réfléchir pour trouver tous ces exemples qui sont entrés dans le quotidien, au point qu’on ne réalise plus qu’on rend service, tant cela semble naturel.

Partage de la propriété et du capital : Là on est dans le dur !

On s’est d’abord interrogé sur quels accompagnateurs et pour quoi ?

  • Architectes, promoteurs
  • Banquiers,juristes
  • Accompagnateurs juridique, financier, de groupe (Hab-fab en Occitanie)

Il n’y a pas encore d’interlocuteur officiel de l’habitat participatif, et il y a peu de professionnels vraiment à la page (demander au sein du réseau pour avoir un bon notaire, un bon comptable, etc.)

Nous avons distingué la forme « coopérative d’habitants » où la propriété est collective, les coopérateurs détiennent des parts et non des logements,et la propriété sous forme d’accession, ou classique.

La première question à se poser est : comment percevons-nous le logement ? Est-ce que le droit d’habiter est supérieur ou inférieur au droit de propriété ?
De là découle le partage du capital.
En coopérative, le logement est retiré du marché, les parts sociales sont revendues au prix d’achat. Sinon le logement est revendu au prix du marché, plus-value etc.

En coopérative le droit d’habiter n’est pas héritable, on hérite de parts sociales et si on veut habiter le logement du défunt il faut être coopté par le reste du groupe.
En coopérative pour avoir une mixité sociale, il faut une solidarité entre ceux qui ont de l’apport et/ou un bon salaire, et ceux qui n’en ont pas. (statuts et charte sont importants pour ancrer ces valeurs et fixer les limites de la solidarité financière).
Chaque coopérateur a une voix , quel que soit le nombre de parts sociales détenues. Toutefois, on s’efforce de prendre des décisions au consensus ou au consentement.
Il est possible de rejoindre la réunion juridique et financière mensuelle (par téléphone, le 1er lundi de chaque mois) de Habicoop qui ne concerne que les coopératives d’habitants.

Un questionnement important est apparu sur l’accompagnement des collectifs sur cette dimension du projet en particulier sur les aspects techniques, relationnels et dans le rapport à l’institution ;

Un autre est apparu sur la participation individuelle au capital : Comment gérer le remplacement d’un associé ; Quelles dispositions statuaires le permettent ?

Un autre sur la question de la gouvernance et son lien à l’apport de capitaux individuels. Cette dimension connaît des variations selon les projets et leur statut juridique (d’un fonctionnement avec 1 personne = 1 vote jusqu’à la recherche de compromis voire de consensus) ; c’est lié à la péréquation entre le revenu, le capital de départ (investi dans le projet) et la participation
individuelle.

Toutes ces dimensions peuvent varier en fonction du projet et doivent être adaptées aux objectifs poursuivis par le collectif.

Un autre questionnement a été évoqué sur la disponibilité des ressources concernant cette question : où les trouver ?
Il est organisé des réunions sur le sujet par Habicoop, dont le site est une ressource pour ceux et celles qui veulent se lancer en coopérative !

Partage au fil du projet : Pas besoin d’habiter encore ensemble !

Sur cet item, les participants ont échangé autour les notions suivantes :

  • Un partage sur les idées, les valeurs en particulier celles de tolérance et de solidarité ;
  • Un rapport au donner/recevoir ;
  • La question de l’écoute (dans le sens de la capacité d’écoute des participants entre eux et dans le projet) ;
  • Les réunions sur le projet sont importantes mais il doit d’exister d’autres activités collectives pour créer un lien entre les participants ;
  • Un lien au territoire peut être créé ;
  • Prendre le temps de partager entre les membres du projet ;
  • La question « d’être soi » et de construire des outils pour se connaître (individuellement et collectivement) ;
  • La dimension de l’empathie à développer entre les membres du projet ;
  • La création de liens inter-générationnels ;
  • La création de critères (définissant le projet) reprenant les aspirations individuelles pour en créer des communes ;
  • La création d’une charte permettant une gestion du quotidien et des modalités de prises de décisions ;
  • Le montage juridique et son rapport à la représentation du projet à l’extérieur et auprès des bailleurs sociaux.

Partage d’expérience : Faire réseau

Nous nous sommes interrogés sur ce que nous attendions du réseau :

  • Accéder à des ressources et informations, acquérir des compétences ;
  • Partager les expériences ;
  • Faciliter les partenariats- augmenter la capacité de l’expression citoyenne ;
  • Faire du lobbying afin d’améliorer les conditions ;
  • Essaimer ;
  • Faire connaître son projet et recruter d’autres personnes

Pour faire fonctionner un réseau, il faut

  • Des personnes concernées : nous sommes nombreux ;
  • Des réponses aux demandes et attentes des participants ;
  • Des connexions : journée inter-projet, plate-forme sociétaires Hab-Fab et … à inventer ;
  • Des engagements et apport (sans apports et engagements, pas de réseau)

C’est à chacun.e de s’interroger sur ce qu’i.elle peut faire pour le réseau ?

 

Journées portes ouvertes – Mai 2018

Le 26 mai, à l’occasion d’une journée où le vent d’autan était justement tonitruant, l’îlot d’habitat participatif Aux 4 vents a ouvert les portes de ses espaces partagés à presque 200 visiteurs. Des visites guidées, différents ateliers (initiation au compost, au yoga…), différents espaces (jeux, contes pour petits et grands…) et des petits plats faits maison leur étaient proposés tout au long de la journée.

Cette journée Portes Ouvertes s’inscrivait parmi les 150 événements du mois des portes ouvertes européennes de l’habitat participatif et est porté en France par la Coordin’action des associations de l’habitat participatif, depuis 5 ans.

Actu.fr Toulouse. Dans les coulisses du plus gros projet d’habitat participatif de France

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Toulouse. Dans les coulisses du plus gros projet d’habitat participatif de France

Mercredi 20 juin, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc a inauguré le plus gros projet d’habitat participatif de France, dans le quartier de la Cartoucherie. Visite guidée.

Le projet d'habitat participatif de la Cartoucherie est le plus important de France.
Le projet d’habitat participatif de la Cartoucherie est le plus important de France. (©Actu Toulouse/Anthony Assémat)

L’habitat participatif, c’est comme le bon vin : il mûrit avec le temps. Il a fallu près d’une dizaine d’années pour que naisse, et se développe pas à pas, le projet de la résidence « Aux 4 vents », à la Cartoucherie. C’est dans ce quartier de l’ouest toulousain, entre les Arènes et Purpan, où sont attendus 3000 logements et près de 10 000 habitants dans les prochaines années, qu’a été inauguré le projet d’habitat participatif le plus important de France, mercredi 20 juin 2018, en présence du maire Jean-Luc Moudenc.

De 6 mois à 95 ans !

Avec 89 logements (du T2 au T5) et 152 habitants, le projet est porté conjointement par les associations Abricoop et Aux 4 Vents Toulouse, la mairie de Toulouse et le Groupe des Chalets, qui a réalisé trois des quatre immeubles de ce programme innovant. Francis Blot fait partie des pionniers du projet des « 4 Vents ». Il raconte son évolution :

La réflexion a connu une accélération en 2013, période où l’on a commencé à concevoir des espaces collectifs, à définir le type de logement. Puis nous nous sommes constitués en association. Sur les 152 habitants, on a 18 nationalités, et des personnes âgées de 6 mois à 95 ans ! ».

Salle collective, buanderie, ateliers…

Ici, pas de grande maison où l’on partage les pièces. Chaque foyer a son propre logement, mais des parties communes ont été aménagées pour faire vivre la communauté. Salle polyvalente, salle collective de jeux et de détente utilisée selon un planning précis (le programme des matchs de la Coupe du monde et les pronostics des habitants sont affichés en bonne place !), buanderie, salle d’ateliers créatifs et de bricolage (où les photos des habitants s’exposent sur les vitrines), un jardin en îlot, une salle de musique, une cuisine…

Les habitants sont reliés par un fil d’Ariane qui a tendance à se perdre dans des résidences plus classiques : la solidarité.

Francis Blot explique les différences majeures entre un projet d’habitat participatif comme celui-ci et la vie d’une résidence lambda :

Je vois deux différences majeures, et deux atouts, dans l’habitat participatif. D’abord, on se connaît tous et une réelle solidarité existe entre nous. Les habitants mettent leurs forces et leurs compétences en commun. Par exemple, une prof de yoga donne des cours tous les mardis soirs, et une personne spécialiste des arts martiaux, idem. Une dame a même installé son trampoline au milieu du jardin partagé, où les enfants se donnent rendez-vous ».

 >> Francis Blot, l’un des piliers du projet toulousain, nous parle de ce projet de la Cartoucherie <<

La singularité d’Abricoop

Dans le projet de la résidence aux 4 Vents, l’association Abricoop (ex-La Jeune Pousse) porte une voix un peu singulière. Stéphane occupe l’un des 17 logements de l’immeuble, qui a la particularité architecturale d’être fabriquée en bois, et de consommer 20% d’énergie en moins. Il est tombé sous le charme du projet. « Cela crée du lien social. Les personnes sont sensibles au vivre-ensemble et à l’écologie ».

Stéphane, l'un des habitants de la résidence des 4 Vents, à la Cartoucherie.
Stéphane, l’un des habitants des 4 Vents, dans la salle collective de la résidence. (©Actu Toulouse/Anthony Assémat)

Non-spéculation sur les parts sociales, trois chambres d’amis en commun et solidarité financière sont la valeur ajoutée d’Abricoop. Sur ce dernier point, avec 12 logements sociaux sur les 17, le montant du loyer est fixé en proportion du quotient familial de chaque foyer pour l’équilibre général. Ainsi, pas d’exclusion : les personnes pauvres ou à haut revenu sont acceptées.

                        >> Thomas, habitant de l’immeuble d’Abricoop, nous parle de la singularité de l’immeuble dans le projet <<

L’esprit de l’habitat participatif a du succès, le turn-over est faible. Pour intégrer Abricoop, il existe même une liste d’attente.

Nouveau programme d’accession à la propriété

Mais avant de s’engager dans ce projet, la notion de propriétaire peut virer au mirage. Si 44 logements ont été créés pour de location-accession, et 5 en Vefa (Vente en état futur d’achèvement, soit l’achat du neuf sur plan), 23 d’entre eux ont été réservés pour un fonctionnement un peu nouveau : la Société civile immobilière d’accession progressive à la propriété (SCIAPP).

Explications avec Jean-Paul Coltat, le directeur général du Groupe des Chalets, qui gère deux autres projets d’habitat participatif dans la région toulousaine (Maragon-Floralies à Ramonville et Vidailhan à Balma-Gramont) :

Ce montage permet à des personnes qui n’ont pas accès au crédit bancaire d’entrer dans un processus d’accession progressive à la propriété. La personne acquiert progressivement, sur 40 ans, des parts sociales de la SCI propriétaire de l’immeuble. Les accédants sont ainsi membres associés de la SCI, et accédants progressifs. Et ces parts sont cessibles à tout moment et transmissibles en succession ».

L'association Abricoop gère un immeuble de 17 logements, avec 20% de baisse sur la consommation électrique.
L’association Abricoop gère un immeuble de 17 logements, avec 20% de baisse sur la consommation électrique. (©Actu Toulouse/Anthony Assémat)

Un projet trop gros ?

Mais avec plus de 150 personnes, la notion d’habitat participatif, qui s’est construite ces dernières années à Toulouse sur une multiplication de projets plus modestes, à taille humaine, n’est-elle pas dénaturée ? « Avec 89 logements, le consensus ne se construit pas facilement. Des gens peuvent être impatients, c’est vrai. Mais c’est une belle aventure qui se construit sans cesse. On verra », répond Francis Blot.

Bel exemple d’intégration

La résidence des 4 Vents pourrait également servir d’expérimentation sociétale. Enrique est le papa de Jérémy, une personne trisomique de 35 ans, qui travaille à la mairie de Toulouse. Il a trouvé dans le projet de la Cartoucherie un moyen d’intégration presque inespéré pour son fils. « J’ai participé au début du projet. En choisissant l’architecte et en adaptant le logement, on a pu faire une salle de bain adaptée et un logement où mon fils a choisi la couleur, la déco », explique Enrique.

Intégration et d’autonomie comme effets insoupçonnés de l’habitat participatif ? C’est oui, pour Enrique. « Ce type de logement, concerté au départ, est l’avenir pour les personnes porteuses de handicap », conclut, ému, le père de famille.

Inauguration de l’habitat participatif 4 vents – 20 juin 2018

Sources et crédits photos : Groupe des Chalets- Christophe PICCI. >> Voir Dossier de presse

L’inauguration de l’habitat participatif des 4 vents s’est déroulée le 20 Juin dernier en présence de :

  • Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse et Président de Toulouse Métropole,
  • Marthe Marti, Adjointe du quartie Casselardit – Fontaine-Bayonne, Cartoucherie (secteur Rive Gauche),
  • Régis Godec, élu municipal, adjoint au maire de Toulouse, en charge des écoquartiers dans la précédente municipalité,
  • Julien Klotz, Conseiller Départemental
  • Leslie Gonzales, gérante de Seuil Architecture, architecte du bâtiment Abricoop
  • et de nombreux élus, partenaires et habitants.

Récit d’une préparation

C’est un moment important pour nous après 5 années de réunions, d’incertitudes, de rebondissements, de travaux qui n’en finissent pas…

Nous avons une crainte, cette inauguration doit être la nôtre, nous craignons d’être noyés sous le flot des discours officiels. Très vite, nous sommes rassurés (avec nos amis des autres immeubles) après la première rencontre avec Brigitte Delorme du service communication des Chalets. Nous avons carte blanche pour organiser cette fin d’après midi.

Véronique (de l’immeuble3) propose que l’on prenne en photo tous les habitants afin d’orner les baies vitrées du rdc, les chalets acceptent de financer cette dépense. Puis nous proposons d’organiser, pour les officiels, la visite d’Abricoop et des trois autres immeubles. Enfin pour le lunch ,nous proposons de faire travailler une association d’insertion du quartier, la mairie fournissant les boissons.

Le Jour J

Arrive le grand jour : premier point positif, il fait beau, à 18h tout est en place, sono, estrade pour les discours…Monsieur le maire arrive pile à l’heure, je suis chargé de faire visiter notre immeuble, secondé par Leslie notre architecte. Tout se passe bien sauf quand j’oublie que j’ai un micro en main ! Puis je passe le relai à Véronique pour la visite des autres immeubles des 4 vents

Nous avons ainsi pu faire visiter nos espaces communs mais aussi privatifs à cette belle délégation !

Message passé !

Et c’est le temps des discours : nous avons décidé de faire un discours à plusieurs voix : pour l’ensemble de l’îlot, c’est l’aspect « diversité humaine » des habitants qui est mis en avant, pour Abricoop, l’aspect plus « politique » des enjeux des coopératives d’habitants. Nous en profitons pour rappeler aux élus que l’habitat participatif et les coopératives d’habitants ont besoin de leur engagement pour se développer. Ainsi, cet événement a été pour nous l’occasion de rappeler à M. Le Maire l’importance du soutien des collectivités pour voir se développer des projets d’habitats participatifs et de coopératives d’habitants sur la métropole Toulousaine.

L’envergure de ce nouveau programme immobilier lui a valu d’être relayé dans les médias nationaux, notamment en novembre dernier dans un reportage de Zone Interdite, l’émission télévisée diffusée sur M6. Mais aussi tout récemment : le 4 juin dernier dans son JT de 13h, France 2 a présenté le programme et son principe d’accession participative. 

Notre discours inaugural

Au sein de cet îlot, un immeuble est un peu différent des trois autres, issu de plus de 10 ans de coopération. Nous avons sous les yeux la première coopérative d’habitants de Toulouse, et la première de France dans une ville-centre.
Associés de la Jeune Pousse, devenus coopérateurs d’Abricoop, nous avons tenu à prendre nous-mêmes toutes les grandes décisions, du choix du quartier à celui de nos équipes d’architectes en passant par nos accompagnatrices. Les habitants ont ainsi conservé la maîtrise d’ouvrage durant toute la conception.

Nous avons reçu le soutien de Toulouse Métropole à plusieurs reprises, que ce soit pour la proposition d’un foncier en écoquartier, la garantie financière de notre emprunt social ou encore la charte nous autorisant à financer seulement 10 places de stationnement pour 17 logements.
Sans le soutien financier de l’ADEME et de la Région pour aider un bâtiment particulièrement économe, mais aussi de la CARSAT et d’AG2R-la Mondiale pour le maintien à domicile des retraités dans les meilleures conditions, cet immeuble aurait eu bien du mal à voir le jour.
De même sans le partenariat sincère noué au fil du temps avec le Groupe des Chalets et le groupement de Seuil Architecture.
La Fondation de France et de nombreux donateurs ont encore apporté leurs petites pierres à l’édifice.

Mais l’enjeu n’est pas tant d’avoir concrétisé ce projet ambitieux. Cet immeuble n’est qu’une brique ! A quoi servirait-il de n’organiser une mixité pérenne, de revenus comme d’apports, qu’à l’échelle de 17 logements ? Quel sens y aurait-il à sortir des prix spéculatifs du foncier et de l’immobilier un immeuble seulement ?
En 10 ans, plus de 200 ménages sont passés par notre groupe, donnant une idée de l’engouement pour cette utopie concrète.
De nombreux Toulousains montrent leur enthousiasme pour sortir de l’alternative binaire entre location et propriété quand une troisième voie leur est proposée.

En coopérative comme en location ou en propriété, nous rencontrons une demande forte du grand public pour l’habitat participatif, et l’offre fait défaut. 200 visiteurs sont venus aux journées portes ouvertes de l’îlot Aux 4 Vents le
mois dernier. Plusieurs groupes se montent dans l’agglomération, mais rencontrent encore d’importantes difficultés.

Nous encourageons donc Toulouse Métropole :

  • à travers le PLUIH, à réserver sur toute nouvelle ZAC, mais aussi dans le diffus, des parcelles consacrées à des projets d’habitat durablement participatif et mixte socialement. Un engagement concret consisterait à réserver d’autres terrains sur la 2ème et la 3ème tranche de l’écoquartier Cartoucherie.
  • à ré-adhèrer au Réseau National des Collectivités pour l’Habitat Participatif et à y tenir toute sa place, notamment pour aider notre mouvement à obtenir de l’Etat les évolutions réglementaires et fiscales encore nécessaires.
  • à continuer à garantir financièrement les emprunts sociaux souscrits par les coopératives d’habitants.
  • à leur proposer des baux emphytéotiques afin d’en diminuer les coûts au profit de l’écologie et du social, en conservant la maîtrise du foncier.
  • à faciliter la concrétisation des projets portés par les groupes spontanément organisés.

Citoyens engagés pour une ville du bien-vivre ensemble, nous avons à cœur de coopérer avec les institutions pour que  notre réalisation soit le début d’un large mouvement, dans la métropole toulousaine et au-delà !

 

La Dépêche : Ils habitent l’immeuble qu’ils ont conçu ensemble

En lire plus sur le site de La Dépêche 

Les habitants de l'îlot d'habitat participatif «Aux Quatre Vents», à la Cartoucherie, ont commencé à emménager en janvier 2018. Au sein de l'îlot, la coopérative d'habitants Abricoop, créée il y a plus de 10 ans, a entièrement conçu son immeuble de 17 logements. Ils partagent cuisine, chambres d'amis, salle de musique ou encore de bricolage./ DDM, Didier Pouydebat
Les habitants de l’îlot d’habitat participatif «Aux Quatre Vents», à la Cartoucherie, ont commencé à emménager en janvier 2018. Au sein de l’îlot, la coopérative d’habitants Abricoop, créée il y a plus de 10 ans, a entièrement conçu son immeuble de 17 logements. Ils partagent cuisine, chambres d’amis, salle de musique ou encore de bricolage./ DDM, Didier Pouydebat

Les habitants du plus grand projet d’habitat participatif de France, à la Cartoucherie à Toulouse, ont emménagé. Ils ont chacun leur appartement, et partagent de multiples espaces communs. Visite guidée.

«Aujourd’hui, c’est une vie rêvée, explique Ludovic, trois enfants, qui a quitté sa maison de Cugnaux pour un T6 duplex. J’en avais marre de la voiture. Maintenant je mets 10 minutes pour aller au travail à vélo. J’aide mes voisins les plus âgés pour les courses, et eux peuvent me garder les enfants. On partage les outils, les chambres d’amis, et puis il y a cette grande pièce à vivre de 55 m2 au rez-de-chaussée». Tireuse à bière allumée, frigo branché, chacun a apporté chaises, tables, canapés venus de leur ancien «chez soi» pour meubler la pièce. Un planning est affiché pour les fêtes d’anniversaire et autres repas de famille.

Devenus des amis au fil des années de maturation du projet, les «Abricopains» inventent un nouveau mode de vie urbain. Sur le toit terrasse, ils ont fait installer une cuisine d’été, et vont installer une pergola, et peut-être accueillir des ruches pour faire leur propre miel. Avec les 72 autres appartements de l’îlot, ils vont partager l’entretien du jardin central. De vastes parkings à vélo, couverts, sont en cours d’aménagement. «On se prête aussi les voitures. On n’a que 9 places de voiture pour 17 appartements. On utilise déjà beaucoup Citiz, le service d’autopartage toulousain», explique Thomas. Pour Jean, le doyen de l’immeuble ou Michèle, qui a quitté sa maison de Pinsaguel, Abricoop est un moyen de vivre «en famille», d’être constamment stimulés et de ne pas rester «dans son coin». Onze des «Abricopains» sont des personnes seules, mais dans la coopérative, elles ne le sont plus vraiment.

Abricoop, c’est un groupe d’habitants ayant décidé de mutualiser leurs ressources pour concevoir, réaliser et financer ensemble leur logement. Tous ont choisi l’architecte, travaillé à l’aménagement des lieux, et investi chacun de l’argent pour la construction de l’immeuble. Ils sont locataires de leur appartement (du T2 au T6, loyers de 1 100 € maximum), et propriétaires collectivement de l’immeuble. Un nouveau départ..


Le chiffre : 89

logements > Habitat participatif. La résidence «Aux Quatre Vents», quatre immeubles de l’écoquartier de la Cartoucherie, comprend 89 appartements d’habitat participatif. La coopérative d’habitants Abricoop occupe 17 logements dans un des immeubles.


Portes ouvertes le 26 mai

À l’occasion des Journées européennes de l’habitat participatif, la résidence «Aux Quatre Vents» ouvre ses portes au grand public dans l’écoquartier La Cartoucherie, au 3 rue du docteur Suzanne Noël à Toulouse, à partir de 11 heures. Ce sera l’occasion de visiter des logements et l’ensemble des pièces communes que partagent les quelque 250 habitants de l’ensemble : salles polyvalentes avec cuisines ouvertes, salle de bricolage, buanderies, chambres d’amis, jardin au milieu de l’îlot, jardins sur le toit avec pergola, barbecue et cuisine, etc. À Ramonville, l’Ouvert du canal, projet de 8 logements habité depuis 2013, vous accueillera le 5 mai de 11 heures à 14 heures, au 16 bis chemin de Mange Pommes.


Questions à Leslie Gonçalves, architecte de l’immeuble Abricoop, Seuil Architecture

«Un projet exemplaire»

Quelle a été pour vous la particularité de ce projet ?

Il a été très enrichissant. Il nous a appris à travailler différemment, en liaison directe avec les habitants. Tout a été décidé avec eux, c’est très agréable. Pour les ouvriers aussi : ce n’est pas l’appartement 12, mais l’appartement de Michèle ou Guillaume. Chaque appartement est différent, dessiné en fonction des besoins des habitants : un canapé d’angle, une plante imposante, etc.

Un moment vous a marqué ?

Une réunion marquante a été celle des choix d’économies à faire sur le projet, pour rentrer dans le budget travaux de 1 450 000 € HT. À cette occasion, 3 tables rondes avaient été simultanément tenues, chacune pilotée par un membre de la maîtrise d’œuvre et un habitant. Le reste des habitants passait de table en table pour débattre des pistes d’économies.

Quelles sont les qualités de l’immeuble que vous avez dessiné ?

L’immeuble sera à la norme RT 2012 «-20 %», étanche à l’air et à l’isolation phonique parfaite. Les habitants ont collaboré à tout : l’esquisse, le permis de construire, le choix des matériaux. C’est un engagement exemplaire.

La Dépêche : Le plus grand projet d’habitat participatif de France bientôt achevé

 

Les 89 logements des «Quatre Vents» dans le quartier de la Cartoucherie seront habités en janvier 2018. Les habitants mettent la dernière main aux appartements qu’ils ont eux-mêmes dessinés.

Comme les 16 autres «Abricopains», il a dessiné lui-même son appartement. Et son immeuble. Ils ont choisi l’architecte, travaillé à l’aménagement des lieux, et investi chacun de l’argent pour la construction. Ils seront locataires de leur appartement (du T2 au T6, loyers de 1 100 € maximum), et propriétaires collectivement de l’immeuble. Ils participeront tous à l’entretien de l’immeuble : pas de frais de syndic. Si l’un d’eux quitte la coopérative, il récupérera uniquement ce qu’il a payé pour l’immeuble.

«Vue sur les Pyrénées»

«La livraison est prévue le 20 décembre, la réception officielle par les habitants le 8 janvier, et l’emménagement, le 26 janvier prochain», détaille Leslie Gonçalves, l’architecte mandataire du projet, pour la SA les Chalets. L’immeuble fait partie de l’ensemble «Quatre vents», qui comprend au total 89 logements d’habitat participatif.

«C’est possible d’avoir des prises électriques supplémentaires au-dessus du plan de travail ?» demande Guillaume, le sourire jusqu’aux oreilles, qui trouve son 53 m2 «grand pour un célibataire !».

«Ce projet a été très enrichissant, il nous a appris à travailler différemment, en liaison directe avec les habitants. Tout a été décidé avec eux, c’est très agréable, confie Leslie, l’architecte. Pour les ouvriers aussi : ce n’est pas l’appartement 45, mais l’appartement de Michèle ou Guillaume. Chaque appartement est différent, dessiné en fonction des besoins des habitants : un canapé d’angle, une plante imposante…

«Nous serons 23 adultes et 9 enfants, dans 17 appartements. Le chantier a commencé en février 2016, raconte Thomas. Il aura duré presque deux ans.» Le père de deux enfants va habiter un T4 de 80 m2, «soit 8 m2 de plus que mon T4 actuel, qui est sans ascenseur.» Les habitats partageront des chambres d’amis à chaque étage, les lave-linge, une grande pièce de 55 m2 avec atelier de bricolage, un jardin sur le toit…

«C’est conforme à mes attentes, notamment la vue sur les Pyrénées, qui se joue à quelques centimètres, avec la hauteur de l’école de la Cartoucherie, qui se construit juste en face. Bon, ça a l’air plus petit quand c’est vide…

Stéphane, trois enfants, va, lui, passer d’un T3 de 50 m2 à un duplex T5 de plus de 95 m2. «On était à Patte d’Oie, on reste dans le quartier, c’est bien pour les enfants, les écoles, les nounous… On est arrivés dans la coopérative début 2013. Depuis, on se connaît tous. Abricoop, c’est une seconde famille.» ça tombe bien, la famille va habiter le même immeuble.


Déjà 1 300 à la Cartoucherie

Le nouveau quartier de la Cartoucherie, en cours de certification écoquartier, accueille déjà plus de 1 300 habitants, dont les premiers sont arrivés en 2016. Un comité de quartier, qui rassemble les habitants, a été créé en 2017. Un parking mutualisé a été construit, et dans les deux ans qui viennent, les anciennes halles vont être investies par des activités de restauration, de culture et de sport. À la rentrée 2018, le nouveau groupe scolaire accueillera les enfants du quartier, et même au-delà. En janvier 2018, plus de 200 nouveaux habitants vont intégrer les 89 logements d’habitat participatif des «Quatre vents». Un chantier que Leslie Gonçalves, architecte mandataire de l’immeuble 4 (coopérative Abricoop), pour le cabinet Seuil Architecture, estime exemplaire pour l’engagement des habitants : «Après, ça reste un chantier avec ses coups de bourre, c’est toujours un peu tendu dans la dernière ligne droite. Mais les habitants ont collaboré à tout : l’esquisse, le permis de construire, le choix des matériaux… L’immeuble sera à la norme RT2012 -20 %, étanche à l’air et à l’isolation phonique parfaite». L’initiative des Quatre vents et d’Abricoop n’est pas nouvelle dans la région. Les premiers logements partagés ont été créés dans les années quatre-vingt et dans l’agglomération, l’un des plus anciens groupes d’habitat participatif se trouve à Ramonville. Il s’agit du groupement «Mange pommes».


Repères

Le chiffre : 89

logements > «Quatre Vents». L’ensemble de quatre immeubles d’habitat participatif est quasiment terminé, à la Cartoucherie. Les habitants y emménageront entre le 15 janvier et le 10 février 2018.

Boudu : Les aventuriers de l’habitat participatif

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Les aventuriers de l’habitat participatif

PAR Aurélie DE VARAX
Temps de lecture 13 MIN

Elodie et Stéphane veulent fuir le rapport locataire-propriétaire, Fabrice partager autre chose avec ses voisins que des coups de balais au plafond, Jean vivre ses vieux jours en joyeuse compagnie, et Françoise en a assez de repeindre ses volets toute seule. Avec treize autres familles, ils construisent la première coopérative d’habitants à Toulouse. Une Abricoop.

« Au départ, je ne comprenais pas le projet tellement cela me paraissait normal. » Sofie est la benjamine d’Abricoop et comme elle est suédoise, elle trouve naturel de partager son BBQ, sa buanderie ou sa chambre d’amis avec ses voisins. Comme à Oslo en Norvège, où les coopératives d’habitants occupent 40% du parc immobilier. Chez nous, même si l’idée fait son chemin, elles font encore figure de bizarreries. À Toulouse, le projet Abricoop mijote depuis neuf ans.

Par hasard

Tout a commencé à l’automne 2007, presque par hasard. Thomas et Véronique Berthet, jeune couple sans enfants, hébergent dans leur appartement des Chalets la coordinatrice d’Habicoop, la fédération française des coopératives d’habitants. Séduits par l’idée, ils y voient la possibilité d’échapper à un propriétaire qui s’engraisse sur leur dos et les arrose au Round-up. Ils se lancent alors un défi de Pilgrims fathers : créer la première coopérative d’habitants sur le sol toulousain. Leur projet : installer avec d’autres familles un immeuble coopératif au centre de Toulouse.

La fleur au fusil, le jeune couple recrute au sein du club d’aviron et du réseau des AMAP. Et les candidats ne manquent pas. Chloé, Ludovic puis Françoise rejoignent rapidement l’aventure. En janvier 2008, l’association La Jeune Pousse voit le jour avec pour objectif de trouver un terrain. Assez rapidement, un projet se dessine dans l’écoquartier de la Cartoucherie, sur une proposition de Régis Godec. Il faut dire que l’adjoint écologiste au maire de Toulouse en charge des écoquartiers ambitionne de lancer, sur cette friche industrielle, la plus grosse opération en habitat participatif de France, avec 90 logements. Du côté de la future coopérative, chouchouter les élus est affaire de stratégie, histoire de dénouer les cordons de la bourse en temps voulu. Mais l’emplacement de la Cartoucherie ne fait pas l’unanimité, tout comme la perspective de n’intégrer les lieux qu’en 2015. C’est la première grosse crise au sein de La Jeune Pousse, avec le départ de nombreux membres. Thomas se souvient : « Au creux de la vague, nous nous sommes retrouvés à quatre ménages ! Heureusement nous avions un terrain et des règles de fonctionnement bien définies. » Pour se relancer, la Jeune Pousse se greffe en 2013 sur la campagne d’information du Groupe des Chalets, le grand opérateur de l’ilot participatif de l’écoquartier de la Cartoucherie, et recrute onze nouvelles familles ou membres.

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Par conviction

On y trouve Rachel, 30 ans, chercheuse en physique. Pour elle, l’argument financier est imparable : « Construire en habitat groupé permet de choisir son environnement en achetant moins cher puisque nous mutualisons des espaces et des équipements. » Elle vient d’un petit village alsacien où toute sa famille habite. Elle a parcouru 1000 kilomètres pour vivre sa vie au cœur de Toulouse. Et embrasser un style de vie collectif. Pour Stéphane et Elodie, jeunes cadres dynamiques, la motivation première est d’échapper aux rapports propriétaire-locataire et à la spéculation immobilière. « Nous avions les moyens d’acheter un logement mais nous voulions vivre autrement, explique Stéphane. Le système coopératif fait du logement un bien commun et non une machine à faire du pognon. » Car ce statut de coopérateur, défini officiellement par la loi Alur de mars 2014, est très novateur. Les familles seront propriétaires de parts sociales à hauteur de 20% du coût de leur logement, certaines ayant choisi de donner davantage selon un mécanisme de solidarité financière. Exit donc la spéculation immobilière, vu que le prix des parts restera identique ou éventuellement indexé sur l’inflation. Chaque mois, chacun paiera un loyer calculé en fonction des plafonds de ressource HLM, pour rembourser les emprunts et couvrir les frais de fonctionnement. Un prix stable et réel.

LES LEADERS D’OPINION SONT PRIÉS DE NE PAS ABUSER DE LEUR APTITUDE À CONVAINCRE.

Au-delà des considérations idéologiques et financières unanimement partagées, chacun se projette avec sa propre histoire. Pour Jean, le doyen, par exemple, c’est l’envie d’une mixité pimentée : générationnelle, sociale et économique : « Nous allons sûrement nous empoigner sur la notion du sale, du propre et du désordre. Les vieux vont être tatillons sur le bruit et avoir besoin qu’on s’occupe d’eux. Le débat sur les redevances au m² n’est pas clos. Mais quelle aventure ! » Ludovic et Chloé, eux, aspirent au luxe de pouvoir optimiser leurs trajets quotidiens tout en vivant au cœur de la ville : « J’ai vécu dans un lotissement où les portes étaient toujours ouvertes. On était une quinzaine d’enfants à aller tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre et j’ai trouvé ça génial », s’enthousiasme Ludovic qui projette des soirées jeux endiablées dans la salle commune.

Par envie

Mais cette maison idéale ne s’est pas faite en un jour. Notamment parce que la coopérative obéit à des règles où prime la démocratie participative. Ici, la notion de chef est absente. Lors de chaque réunion sont nommés un gardien de la bienveillance, un distributeur de parole et un gardien du temps, pour que les grandes gueules et les timides trouvent leur place. Et surtout, chaque décision doit être prise au consensus : « On s’oblige à trancher entre des solutions qui ne peuvent absolument pas cohabiter, en faisant en sorte que tout le monde ait l’impression d’avoir été entendu », résume Fabrice.

Pour avancer collectivement sur tous les fronts, les dix-sept familles d’Abricoop ont initié une dynamique de gestion de projet digne d’un incubateur de start-up. Des séances de team building, un intranet connecté, des commissions projet thématiques (communication, financière, juridique) dont les avancées sont discutées en réunion. Autant dire qu’il a fallu des centaines de réunions pour que chacun dessine les contours de l’appartement de ses rêves, ou pour imaginer des mécanismes financiers équitables. Sans parler des compromis, inévitables, qu’il a fallu faire comme, pour les plus écolos, celui d’utiliser des matériaux plus classiques que le bois et la paille. Bref, il a fallu composer.

NOUS NE SOMMES PAS LÀ POUR NOUS AIMER.

Une méthode que les abricoopiens ont construit à leur mesure, en s’appuyant sur les principes de la sociocratie. En cas de conflit, on provoque une plénière extraordinaire dans un cadre plaisant, histoire d’adoucir les angles. Et là, chacun est invité à se mettre en état de bienveillance pour adopter une solution commune. « Un moment pour tout mettre à plat, explique Thomas, le problème à résoudre est exposé, avec les enjeux et les éléments éthiques mis en cause. C’est le moment pour chacun de s’exprimer ou de se faire expliquer ce qu’il ne comprend pas ». Les leaders d’opinion sont priés de ne pas abuser de leur aptitude à convaincre, et de laisser aux autres le droit de s’exprimer. Au besoin, on organise des ateliers créatifs pour inventer de nouvelles solutions jusqu’à trouver la bonne.

Par pragmatisme

Une chose est sûre, au sein d’Abricoop, le temps est au slow. Pour construire l’histoire collective, chacun est régulièrement invité à revisiter sa propre météo intérieure et ses croyances. De quoi générer des peurs et des frustrations. Si la très attendue pose de la première pierre par le Groupe des Chalets devrait intervenir au printemps, la remise des clefs n’est pas prévue avant fin 2017. Sur le papier, le projet architectural est sur les rails mais quid de la météo intérieure des troupes ? Confiant, Ludovic perçoit néanmoins un écueil à la méthode du consensus « dans les non-dits qui ont pu s’installer dans les relations, par exemple sur la grille des loyers ». Selon lui, les deux années de réunions à venir ne seront pas de trop pour les lever et préparer les règles du vivre ensemble. Exemple ? Le sujet des enfants qui pourrait, selon lui, être source de tensions car les cinq retraités semblent très sensibles au bruit. L’isolation phonique prévue sera-t-elle suffisante ?

Si chacun entrevoit le sommet, il s’agit encore de vaincre ses angoisses. « J’ai rêvé que nous avions emménagé dans notre coopérative. La salle commune était immense et vide. Le sol était recouvert d’un linoléum en PVC, à la texture plastique reluisante. Les murs étaient peints avec une peinture chimique qui dégageait l’odeur caractéristique de la peinture chimique »raconte Rachel. Les craintes ne sont pas toutes de même nature : pour certains, elles concernent la malfaçon sur le bâtiment ; pour d’autres, elles relèvent de l’empiétement sur la vie privée. Françoise s’inquiète, par exemple, que les parties communes ne servent à rien et que dans le vivre ensemble certains se réveillent en voisins râleurs sans apporter de solutions. Du coup, le groupe se demande s’il faut établir des règles très strictes pour les pièces communes ou au contraire « laisser faire ». Autre sujet sensible, le départ de coopérateurs du projet avant qu’il n’aboutisse. Une situation qui fragiliserait tout l’équilibre selon Jean, le grand argentier, qui angoisse à l’idée que la coopérative ne parvienne pas à financer son prêt. Mais après avoir surmonté tant de galères, il reste confiant. À condition de réussir à mettre ses états d’âme entre parenthèses : « Nous ne sommes pas là pour nous aimer. Nous sommes là pour concrétiser un projet immobilier et sociétal ambitieux », lit-on sur leur blog. Avec beaucoup de candeur, et un peu d’audace, Abricoop lance début février une campagne de crowdfunding pour financer l’aménagement des espaces communs. En contrepartie, les donateurs pourront passer un week-end entier sur place, dès 2018. De quoi se faire sa propre expérience.