Chaque année au mois de septembre le réseau Habitat Participatif France impulse les Journées Portes Ouvertes Européennes de l’Habitat participatif.
En cette année et rentrée un peu particulière, nous vous proposons quelques visites guidées de la Coopérative d’habitants Abri1coop à la demande.
Prioritairement le 13 septembre mais au delà, nous pourrons essayer de nous organiser.
N’hésitez pas à nous contacter !
Nous contacter
——————————–
En septembre 2020 auront lieu pour la septième année, les Journées Portes Ouvertes Européennes de l’Habitat Participatif :
L’occasion pour beaucoup de personnes de se renseigner, de visiter des habitats existants.
L’occasion pour les groupes en émergence de trouver et rencontrer leurs futurs voisins.
L’occasion pour les habitants de valoriser leur habitat et de contribuer au développement de l’habitat participatif en restant dans une dynamique collaborative.
L’occasion pour tous de comprendre que « vivre autrement », c’est possible.
Près de 100 évènements seront organisés sur tout le territoire national.
Le modèle dominant actuel en ce qui concerne l’habitat se partage entre le statut de propriétaire et celui de locataire1. Il est de plus en plus difficile d’accéder à la propriété. Or, pour les locataires la part du loyer dans les dépenses du ménage ne cesse d’augmenter. De nouvelles formes d’habitat émergent depuis une quinzaine d’années alliant la recherche d’une nouvelle façon de vivre entre voisins, un nouveau type de rapport à son logement et une préoccupation sur l’impact environnemental de son habitat. On appelle cela l’habitat participatif. Il existe sous différentes formes dont celle des coopératives d’habitants.
Pressenza Toulouse a interviewé les membres d’Abricoop, une coopérative d’habitants créée dans le nouveau quartier toulousain de la Cartoucherie, sur une ancienne friche industrielle.
Une coopérative d’habitants, qu’est-ce que c’est ?
C’est un modèle nouveau en France. C’est ce qu’on appelle la troisième voie du logement. Aujourd’hui dans notre pays, on est soit propriétaire soit locataire. Or, dans une coopérative d’habitant on est à la fois propriétaire et locataire : on est propriétaire collectivement de la coopérative et locataire individuellement de son logement. La coopérative est une entreprise dans laquelle chaque membre apporte au moins une part sociale. La coopérative a été chargée de faire un emprunt pour faire construire l’habitat. Les membres du groupe sont chacun usager de l’habitat en payant un loyer à la coopérative afin de rembourser les emprunts et les charges de fonctionnement. Il s’agit donc d’un modèle mixte entre la propriété et la location.
Comment avez-vous financé votre projet ?
Le financement a coûté 2,6 millions d’euros tout compris, soit : l’achat du terrain 500.000 euros, le bâti 1,8 millions, les charges notariales et frais annexes 300 000 euros. Pour financer cela on a eu 700.000 euros d’apport des futurs habitants/coopérateurs. S’y ajoutent 1,3 millions d’emprunts conventionnés avec le Crédit coopératif et 400.000 euros avec la Carsat. C’est un organisme de retraite qui nous a prêté pour faire les logements adaptés aux personnes âgées. Enfin s’ajoutent à cela 200 000 euros de subvention, étant lauréat de l’appel à projet « batiments économes » (aujourd’hui « NoWatt ») de la région Occitanie et de l’Ademe.
Il y a 17 appartements habités par 23 adultes et une dizaine d’enfants. Les âges vont de 30 à 83 ans pour les adultes et de 0 à 12 ans pour les enfants.
Combien de temps s’est-il écoulé entre le moment où est né le projet et le moment où le bâtiment a été construit ?
Quand on a lancé l’idée on a constitué une association, « La Jeune pousse » en 2007 puis on s’est mis a rechercher un terrain. C’est en 2012, en discutant avec la Mairie, qu’un foncier a été libéré pour faire de l’habitat participatif sur le site de la Cartoucherie. Il a fallu cinq ans de plus pour monter le projet, trouver l’architecte, écrire le programme architectural et enfin construire le bâtiment. Il a donc fallu 10 ans en tout, dans notre cas, car on a perdu du temps au début dans la recherche du terrain. Si tout se passe bien il faut compter entre 3 ans et 5 ans, une fois qu’on a le terrain.
C’est vous les futurs habitants/coopérateurs qui avez imaginé et conçu votre habitat. Est-ce que cela exige des compétences particulières ?
Aucun d’entre nous n’était professionnel du bâtiment. Nous nous sommes auto-formés. La dimension éducation populaire est au cœur de la démarche des coopératives d’habitants pour permettre au groupe et à chacun d’acquérir des compétences. On s’est basé sur un référentiel « habitat et environnement » pour élaborer le projet architectural. Ensuite on a discuté pour savoir où placer les priorités : il fallait choisir par exemple entre le confort acoustique, le confort visuel, la qualité de l’air intérieur, le choix des matériaux, etc. On a dû faire des choix car on ne pouvait pas choisir tous les critères en termes optimaux pour des raisons budgétaires. Les deux grandes priorités ont été mises sur l’isolation thermique et sur l’isolation acoustique parce qu’on voulait un immeuble faible en charges de chauffage ou de maintenance tout au long de sa durée de vie et un immeuble calme étant donné les grandes différences d’âge entre les occupants.
En terme de vivre ensemble cela vous a demandé une réflexion poussée pour élaborer des règles de vie communes ? Comment gérez-vous par exemple les conflits ?
D’abord on a défini un certain nombre d’espaces partagés, ce qui n’existe pas dans les immeubles classiques. On a une salle commune pour se rencontrer, travailler ou faire la fête ensemble. Cela contribue beaucoup au vivre ensemble et aide à entretenir la confiance entre voisins.
Pour les conflits on utilise des règles sociocratiques pour que les réunions se déroulent dans la bienveillance, comme la gestion par consentement ou des rôles différents assignés à chacun. On a aussi des « gardiens de la bienveillance » qui sont des personnes référentes qui tournent et qu’on peut solliciter s’il y a un conflit. Elles nous écoutent et si nous le souhaitons peuvent nous aider à régler les problèmes. Ces « gardiens » sont des membres de la coopérative élus pour un mandat limité dans le temps. Dans les cas extrêmes on peut faire appel à des intervenants extérieurs même si cela ne nous est encore jamais arrivé. Ce qui est important c’est d’identifier les tensions et d’anticiper une action avant l’éclatement du conflit.
Comment la coopérative s’insère-t-elle dans le quartier environnant ?
Le bâtiment d’Abricoop est entouré par trois immeubles construits par un bailleur et gérés en habitat participatif. Nous partageons avec ces autres immeubles des espaces communs ( différents de ceux propres à la coopérative ) et des moments conviviaux tels que des soirées jeux. Cela crée entre les habitants des quatre immeubles une dynamique qui donne envie de faire vivre le quartier. Chacun est libre bien-sûr de participer ou pas.
Les coopératives d’habitant peuvent-elles être un modèle à reproduire ?
La coopérative d’habitant est une des formes de l’habitat participatif. L’habitat participatif de manière générale permet de favoriser le vivre ensemble. C’est génial pour ça. Mais la coopérative d’habitant permet en plus plusieurs choses. D’abord c’est que le fait qu’on soit beaucoup plus en autogestion sur la conception, le fonctionnement, etc nous responsabilise et les thématiques de gouvernance partagée, de démocratie, d’éducation populaire, le fait de se former ensemble va beaucoup plus loin que dans l’habitat participatif classique. Ensuite et surtout le modèle de la coopérative interdit la spéculation immobilière et autorise une vraie mixité sociale qu’on ne retrouve pas toujours ailleurs dans le participatif. Ainsi il y a une vraie solidarité entre nous sur les loyers parce que comme nous sommes à la fois propriétaire et locataire nous pouvons adapter les loyers non seulement en fonction de la taille du logement mais aussi en fonction des revenues et de la composition familiale des foyers. On a financé 12 appartements sur 17 avec un prêt locatif social (PLS) qui est un prêt conventionné, c’est à dire accordé à un taux intéressant, avec comme contrepartie l’obligation d’y mettre des ménages avec un revenu correspondant à ceux du logement social. Les personnes concernées doivent quant à elles évidemment se retrouver dans les valeurs et la démarche du projet Abricoop. Je pense donc que les coopératives d’habitants peuvent devenir un modèle inspirant pour répondre aux défis démocratiques, écologiques et sociaux.
Préparation de Noël dans la salle commune
1- En France métropolitaine, 58 % des ménages sont propriétaires de leur logement et 36 % sont locataires.
Restez chez vous !, nous intimait le gouvernement le 16 mars dernier nous ramenant à l’importance de la qualité de notre logement pendant le confinement. Un luxe réservé aux plus riches ? Le mouvement coopératif défend une autre idée de l’habitat que la pandémie du Covid-19 pourrait enfin favoriser.
La coopérative d’habitants est un accélérateur et facilitateur de solidarité et de convivialité. « Cela va bien au-delà d’un petit mot dans sa cage d’escalier ou de son ascenseur« , assure Thomas Berthet d’Habicoop, la Fédération Française des coopératives d’habitants s’appuyant sur les témoignages réconfortants qu’il reçoit depuis le début du confinement. « Comme il est rassurant de se savoir entourée de voisins prêts à s’entraider, à veiller les uns sur les autres, à s’organiser collectivement pour les courses et le ménage ! » lui écrit Chantal de Chamarel, une coopérative d’habitants pour personnes retraitées de Vaulx-en-Velin. Parce qu’ils refusaient la solitude de leur logement et cherchaient une alternative à l’Ehpad, ils ont décidé il y 4 ans de se lancer dans l’aventure de l’habitat participatif. En auto-promotion, sans bailleur social pour garder la maîtrise d’ouvrage et construire un ensemble de 16 logements à leur goût, ils ont pu emménager en 2017 dans ce qu’ils appellent leur oasis, un nom qui prend aujourd’hui tout son sens au regard de l’actualité.
L’habitat participatif face au virus nous rend moins angoissés, moins vulnérables que dans un Ehpad,
confirme Françoise, dans le Var, qui se sent elle aussi plus protégée dans sa coopérative La maison de Lorgues : « Notre coopérative d’habitants s’est voulue une alternative à la maison de retraite : restant autonomes, non dépendants d’une assistance et des règles de vie d’un Ehpad, en restant proches malgré tout en habitat participatif, nous sommes naturellement incités à renforcer nos liens entre nous et avec nos réseaux extérieurs, et nous sommes naturellement portés à nous rendre solidaires les uns des autres, à nous soutenir contre la morosité ambiante et les peurs et à rester actifs pour garder une vie sociale« .
Les habitants associés aux projets d’habitat participatif contribuent en effet à apporter des réponses collaboratives à de nombreux enjeux de société : lien social, bien vieillir, pratiques écoresponsables et préservation de l’environnement ou encore logement abordable, explique sur son site le mouvement national Habitat Participatif France.
Une autre façon d’habiter qui facilite l’entraide
Vivre dans une coopérative permet de mettre en commun ses ressources pour construire un immeuble et définir ensemble des règles de vie. Des espaces collectifs sont prévus : terrasses, buanderie, salle commune, chambres d’amis, jardin. La mutualisation d’espaces et de moyens doit permettre de vivre mieux à moindre coût.
« Les coop-habitants sont habituées à s’auto-organiser en temps normal, alors les nouvelles règles de vie que nous impose l’épidémie comme la distanciation sociale s’est faite rapidement en toute intelligence, dans la confiance » remarque Thomas Berthet, qui a pu le constater lui-même dans sa coop à Abricoop à Toulouse. « Nous jardinons toujours ensemble mais à un mètre de distance », même chose à Mas coop de Beaumont-sur-Lèze, raconte Cécile.
Nous continuons à prendre l’apéro ensemble, à un mètre tous les uns des autres, heureusement que notre salle commune est grande et qu’on a de la place !
Au Groupe du 4 mars, à Lyon, Aurore remarque que s’ils se voient un peu moins, la communication marche à plein régime : « On se dit par Whatsapp quand on descend à la buanderie mais aussi quand quelqu’un va faire les courses et s’il peut ramener quelque chose« .
Les chambres d’amis étant des pièces mutualisées en dehors des foyers, elles ont servi à accueillir des personnes isolées ou sans domicile, quand elles ne se sont pas transformées en bureau pour que les parents en télétravail puissent être au calme. « Bien sûr, la vie quotidienne est perturbée dans les coopératives d’habitants comme partout ailleurs, mais dans ces nouveaux lieux de vie, tous les outils sont déjà là pour nous aider à traverser cette période difficile« , se réjouit Thomas Berthet « et en toute autonomie ! parce qu’il n’y a pas plus empêcheur de vivre qu’un syndic de co-propriété ou un bailleur social« .
Et à Paris ?
Si la coopérative apparaît comme une bonne alternative au logement dense, anonyme et sans autonomie, les Parisiens ne connaissent pas cette chance. Dans la capitale, aucune coopérative d’habitants n’a réussi à sortir de terre. Pourtant, la demande est criante : pas moins de 800 familles avaient répondu à l’appel à projet lancé par la Marie de Paris en 2014 pour trois petites parcelles, se rappelle-t-on amèrement à l’Ordre des architectes d’Ile-de-France qui avait travaillé gratuitement sur ces projets sans qu’aucun aujourd’hui n’ait vraiment abouti. L’initiative n’aura malgré tout pas débouché sur rien puisqu’après beaucoup d’attente et d’incertitude le projet de coopérative HLM, UTOP a finalement signé son contrat de promotion immobilière en décembre dernier dans le XXe arrondissement.
Mais les avancées sont bien minces et nombreux sont les Parisiens à regarder avec envie les coopératives fleurir partout ailleurs en France quand eux se retrouvent confinés, coincés dans leurs appartements exigus. Bien sûr, la pression foncière en est le premier obstacle : à Paris, les prix d’un terrain à bâtir ou d’un immeuble à rénover sont exorbitants, surenchéris par les grands groupes, géants du BTP. Cette concurrence sans limite transforme la capitale en véritable jeu de Monopoly, auquel les coopératives d’habitants ne peuvent pas participer. Pourtant, le modèle coopératif permettrait à la classe moyenne parisienne de ne pas rester coincée entre le logement social, auquel elle ne peut bien souvent pas accéder, et le parc privé hors de prix. A ce titre, les coopératives d’habitants répondent en effet à une demande d’innovation tant économique que sociale, assure Thomas Berthet expert juridique et financier pour Habicoop.
Le modèle coopératif vise à faire sortir le logement du marché spéculatif de l’immobilier et du dilemme locataire propriétaire.
Dans une coop d’habitat, vous devenez propriétaire d’une part d’une société dans laquelle vous êtes locataire. Si vous quittez votre logement, vous vendez non pas un appartement mais les parts de la société que vous avez acquises au prix auquel vous les avez acquises. Conscient que ce modèle vertueux ne peut s’installer sans volonté des élus politiques, le mouvement pour l’Habitat Participatif lors de la dernière campagne des élections municipales avait tourné une petite vidéo à l’adresse des candidats afin qu’ils soutiennent les porteurs de projets.
Les coopératives d’habitants dans le monde « d’après »
Il faut faire évoluer la loi pour permettre aux coopératives d’habitants d’accéder au foncier plus facilement surtout dans les zones tendues, revendique Habicoop. Une première étape a été franchie avec la loi Alur de 2014, renforcée par la loi Elan de 2018 en créant le bail Réel Solidaire. Le BRS ouvre la possibilité de dissocier le bâti du foncier. En faisant l’économie du prix du terrain, les constructeurs ont ainsi la possibilité de proposer des logements beaucoup moins chers à la vente. En contrepartie, les acheteurs n’ont qu’à reverser un loyer minime aux organismes, mettant le foncier à disposition pour en obtenir la jouissance. Ce montage passe par la création d’Organismes Fonciers Solidaires, dont la ville de Paris s’est dotée en tout début d’année 2020. Une brèche dans laquelle tente de se glisser les coopératives d’habitants.
Notre objectif est de pouvoir avoir également accès aux Organismes Fonciers Solidaires en les élargissant à tous les types de logements,
annonce la Fédération Française des coopératives d’habitants. Sensible au sujet, le député Modem Jean-Luc Lagleize, missionné par le ministre du Logement Julien Denormandie, a inclus cette possibilité avec la création d’Organisme Foncier Libre dans sa proposition de loi. Votée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 novembre dernier, ce texte était attendu devant le Sénat le 1er avril, avant d’être reporté en raison du confinement. Si la pandémie a perturbé le processus législatif, elle n’a pas douché pour autant les espoirs du monde de l’habitat participatif. Bien au contraire, veut-on croire à Habicoop : « Le Covid-19 ne fait qu’accentuer l’urgence de faire apparaître d’autres formes d’habitat. Un habitat plus résilient, plus inclusif et plus écologique. »
J’étouffe, je sors, j’erre, je déambule. Je shoote. Le quartier de la Cartoucherie.
Transformation suspendue. Lieu habités, trop serrés, occupés, investis ou barricadés. Bouts de verdure qui tentent de trouver leur place. Béton, ferraille, bitume, déchets qui s’incrustent. Silence du chantier avant le vacarme et la poussière de la reprise.
Habitant·es cloitré·e·s, conversations de balcons. Joggeurs et promeneurs. Fantômes avant l’heure.
Mais c’est mon quartier. Tout y est encore possible …
« Habitat & Participation » organise sa dixième édition wallonne du Salon de l’Habitat groupé, le dimanche 01/12 au CREAGORA à Namur.
Elle sera centrée sur les liens entre activités collectives de production locale et habitat groupé. On y parlera notamment de l’économie sociale, fer de lance d’une autre façon d’appréhender la solidarité et le partage.
L’habitat coopératif peut prendre des formes variées. À L’Isle-Jourdain, une dizaine de familles vient d’acquérir un château. Découverte avec Oxytanie.
–
Publié le 2 janvier 2020 à 11:23 – Mis à jour le 2 janvier 2020 à 15:13
Partenaire Oxytaniesur POSITIVR
Cet article vous est proposé en partenariat avec Oxytanie. POSITIVR soutient le journalisme de solutions. – Je m’abonne au magazine Oxytanie
Le château de Panat, dans le Gers, a été racheté par une coopérative d’habitant. Dedans vivent au total quatorze familles. Un reportage à découvrir dans le magazine Oxytanie.
Une imposante bâtisse de 1 500 m2, plus d’une soixantaine de pièces, une tour carrée, un donjon, des tourelles, des gargouilles, un grand escalier en bois derrière lequel se trouve la coursive… « C’est là que passaient les domestiques », précise Armelle en faisant la visite. Tout y est. « Ça part un peu dans tous les sens, sourit-elle. Il y a des parties médiévales, d’autres Renaissance… C’est au goût du XIXe siècle ! » Le marquis et la marquise de Panat, qui ont fait bâtir ce château en plein cœur de L’Isle-Jourdain, en 1880, y ont rassemblé des éléments rappelant leurs souvenirs de voyage, lui donnant une architecture assez délirante et au final, un charme unique.
Les derniers propriétaires, une famille de Floride, venaient seulement une fois par an et n’en occupaient qu’une infime partie. Cela ne va pas durer. S’ils ne sont que quelques-uns à s’être installés en septembre dernier, à terme une trentaine de personnes va vivre au château. Il va être totalement transformé en quatorze logements, du T1 au T5.
Un dédale de couloirs et de portes dérobées
Avec Alain, son compagnon, Armelle s’est installée provisoirement dans une chambre lumineuse au premier étage, dans l’aile droite. On y parvient par un dédale de couloirs et des portes dérobées. À force d’arpenter les lieux pour relever les plans des futurs appartements, elle en connaît les moindres recoins. « On en fait des kilomètres ! » Pour l’instant, les habitants partagent une cuisine commune. « On est en mode chantier, c’est un peu la colocation. Mais ensuite, tout le monde sera autonome. Chacun chez soi. »
Dans quelques mois ils l’espèrent, Armelle et Alain devraient s’installer dans leur appartement, au rez-de-chaussée, dans l’aile opposée. Il faudra encore compter une année pour les finitions. Les deux plus grandes salles, la salle à manger et la bibliothèque, seront conservées pour en faire des espaces communs, en plus de l’atelier, de la laverie, des chambres d’amis et d’un espace associatif ouvert sur l’extérieur.
Pour l’instant, c’est dans la bibliothèque que les nouveaux habitants aiment se retrouver. Si les lustres éclatants et une partie du mobilier ancien ont été vendus, la pièce a gardé tout son cachet avec ses étagères qui montent jusqu’au plafond, ses boiseries sombres, son large vitrail et ses multiples entrées. Quand ils ne glissent pas sur les larges planchers des salles de réception, les deux premiers enfants qui habitent au château, Milena et Corto, aiment aussi jouer sur ses épais tapis un peu désuets. « Quand on vivait à Paris, on ne connaissait jamais nos voisins, confie leur maman, Marie. Ici on veut retrouver l’ambiance village tout en restant autonome. C’est un peu comme un immeuble vivant, avec des gens qui se parlent et des parties communes un peu plus importantes. » La petite famille s’est installée provisoirement dans un logement au rez-de-chaussée, avec accès direct à la cour, où vient d’être installé un poulailler.
« Quand on vivait à Paris, on ne connaissait jamais nos voisins. Ici on veut retrouver l’ambiance village tout en restant autonomes. C’est un peu comme un immeuble vivant, avec des gens qui se parlent et des parties communes un peu plus importantes. »
Si les coopératives d’habitants sont encore peu nombreuses en France (huit en fonctionnement, une soixantaine en travaux ou en projet), Alter Habitat Lislois est sûrement la seule à s’être installée dans un château. Il faut dire qu’on est loin du projet initial d’auto-construction en terre-paille imaginé par l’association depuis 2011 ! « La municipalité nous a proposé un terrain à l’extérieur de la ville mais ça traînait, rien n’avançait, explique Marie. L’attente était dure, ça a fragilisé le groupe, certains sont partis, d’autres sont arrivés. On a réfléchi à des plans B, individuels et collectifs, mais on se voyait difficilement aller ailleurs, on ne voulait pas partir de L’Isle-Jourdain. Et puis en janvier dernier, on a appris que le château de Panat était à vendre. On ne s’était jamais projetés ici mais c’était un bien hyper rare, qui correspondait à ce qu’on recherchait. Trois jours après, on faisait une offre d’achat au prix sans même l’avoir visité. » En mai, ils signaient le compromis de vente ; et en septembre, les premiers habitants s’installaient.
Ils paient un loyer selon leur revenu
Outre sa localisation, le château a plusieurs avantages : toute une partie est déjà habitable et surtout, le bâtiment n’est pas classé. Les anciens propriétaires avaient même refait les toitures. Quand on connaît la valeur du bien, cela représente une sacrée économie. Coût total du projet : 1,5 million d’euros, soit 1 million pour le bâtiment et 500 000 euros de travaux. Pour porter le futur emprunt, les travaux et l’exploitation du château, les habitants ont créé une société coopérative, chacun participant selon ses moyens par l’achat de parts sociales. Mais avec plusieurs centaines de milliers d’euros ainsi réunis, ils ne s’attendaient pas à rencontrer une telle frilosité chez les banques. « On les a toutes vues ! Il suffisait de dire le mot château ou le mot coopérative, et c’était un non catégorique. Il a fallu un nouvel apport extérieur pour débloquer la situation, explique Marie. On n’a pu compter que sur nous, on n’a eu droit à aucune aide*. L’habitat participatif est encore assez récent et ne rentre dans aucune case. Alors qu’au final on remplit pleins de critères : on fait de la réhabilitation, du logement social, on redensifie le centre-ville… » Par ailleurs, le modèle de coopérative d’habitants empêche toute spéculation immobilière à la revente. Autre particularité du projet : « Nous sommes sûrement la seule coopérative locative de France, ajoute Armelle. Nous ne sommes pas propriétaires de notre logement mais on a un droit d’usage et on paie un loyer, fixé en fonction du revenu et de la composition du foyer, comme dans le logement social. Ça signifie par exemple que quand les enfants sont grands, on peut déménager pour un appartement plus petit. »
« On a fait au plus pratique. On est partis des salles de bains et toilettes – il y en a une dizaine – puis on a imaginé les logements entre les gros murs. Certains T2 font 50 m2, d’autres 70 m2. L’objectif, c’est de s’adapter le plus possible à l’existant pour limiter les travaux. Ça donne des logements très différents, mais chacun avec ses avantages et ses inconvénients. »
Les habitants ont également réservé un des futurs appartements pour une association d’insertion par le logement. « On ne s’est pas connus parce qu’on était des amis mais par des valeurs communes, continue la jeune retraitée. La solidarité est au cœur du projet. Pour nous, il est important que tout le monde trouve sa place, quelles que soient ses capacités financières. »
S’adapter à l’existant
Mais comment aménager des logements dans un château du XIXe siècle ? « On a fait au plus pratique. On est partis des salles de bains et toilettes – il y en a une dizaine – puis on a imaginé les logements entre les gros murs. Certains T2 font 50 m2, d’autres 70 m2. L’objectif, c’est de s’adapter le plus possible à l’existant pour limiter les travaux. Ça donne des logements très différents, mais chacun avec ses avantages et ses inconvénients. Tout le monde a choisi celui qui lui convenait en bonne intelligence. »
Si le bâtiment existant en brique et en bois est globalement en bon état, les travaux sont conséquents : il faut également isoler les toitures, installer une chaudière performante dans une nouvelle chaufferie au pied de la tour, remplacer une partie des fenêtres, etc. Avec un maître-mot : sobriété économique et énergétique. Des filières locales et des matériaux écologiques (bois, fibres végétales, enduits en terre), et pour limiter les coûts, de l’auto-rénovation : les habitants assurent la plus grosse partie des travaux eux-mêmes.
Toutes les décisions importantes sont prises en commun, dans différentes commissions. « Moi qui suis une des plus âgées, ça me permet de rester jeune ! », confie Christine, qui aime vivre dans cette « ruche ». « Au départ, j’étais réticente. En plus, il y a château et château… Et celui-là est un vrai château ! Mais j’ai accepté pour le groupe. Et au final je ne le regrette pas, je commence même à me sentir à la maison. » Pareil pour Michel et Marie-France, qui viennent de Pau. Ils ont été les premiers à dormir ici, non sans appréhension. « On s’est dit, est-ce qu’on va être à l’aise ? Est-ce qu’on ne va pas avoir froid ? En fait, c’est très agréable de vivre ici, c’est très chaleureux », glisse Marie-France en s’attelant à la préparation du repas dans la cuisine commune. L’habitat participatif, « si ça n’est pas bâti sur du solide, ça ne marche pas », fait remarquer son époux.
Loin d’être les utopistes que les personnes de l’extérieur s’imaginent parfois, les nouveaux châtelains ne ménagent pas leurs efforts pour inventer de nouvelles façons de vivre ensemble. « C’est un peu comme quand on marche en montagne, note Marie-France. On croit arriver au sommet mais quand on s’approche on se rend compte qu’il est encore loin derrière et qu’avant de l’atteindre il va encore falloir grimper une nouvelle colline. »
* Précisons que l’association a reçu le soutien de la Fondation de France et, grâce à la plateforme Les Petites Pierres, va pouvoir financer un élévateur qui permettra de rendre les parties communes accessibles aux personnes à mobilité réduite.
Entre un pique-nique d’îlot, une plénière triage, un repas partagé et un atelier cooptation, pendant que nos chers voisins transbahutaient les encombrants du grand rangement du local vélo, les caméras étaient là. Heureusement, pas de commandes groupées ou AMAPs à gérer ce jour-là !
Mais le collectif gère. Le groupe s’auto-anime, et les volontaires, Tess, Stéphane, Marion se prêtent au jeu de la mise en scène, de la simplification. Chapeau-bas à Christelle Meral la journaliste et à Guillaume Marque JRI (Journaliste Reporter d’Image) pour avoir su synthétiser en moins de 5 minutes notre projet et le porter au Grand public.
Seul regret, les rushs sont propriétés de France 2. Ils finiront supprimés et dans notre esprit coopératif, on aurait bien partagé avec vous nos réflexions sur l’écologie, l’importance de lutter contre la spéculation immobilière, l’étalement urbain, l’indispensable soutien des collectivités à cet œuvre d’intérêt général et de plaisir de vivre ensemble dans nos quartiers, sur nos paliers.